Les personnages : L’absent, M. Ker., Élie, Maxime, Louis, Laurent et Sébastien
2008 > Élie
M. Ker. lui avait beaucoup parlé de lui si bien qu’il avait l’impression de le connaître un peu. Il ne l’avait jamais rencontré et l’imaginait en s’appuyant sur les souvenirs mêlés de tous ceux qu’il avait côtoyés.
Quand il apprît sa disparition inexpliquée, il fût troublé par la persistance de cette image flottante, insaisissable et obsédante. Souvent, il se sent observé par un regard fixe, un corps immobile : personnage silencieux et inoubliable qui suscite en lui une attraction déraisonnable. Il entend qu’ils sont tous sans nouvelles malgré les recherches de certains d’entre eux.
2012 > Maxime
Il s’arrête toujours devant la maison qui, depuis quelque temps, est abandonnée. Il a de la peine en constatant que chaque jour un peu plus, la façade est sale et les volets rouillés. Laurent et Sébastien n’habitent plus là depuis 1998 et les quatre autres ont disparu sans laisser le moindre indice sur leur lieu de destination. Enfin, lui en tout cas ne sait rien. Il faudra qu’il en parle à Louis (1).
(1) Chaque vendredi, Louis traverse le marché aux livres d’occasion.
En 2006, il acheta un cahier dans lequel des photos annotées étaient collées.
Il y découvrit ce poème :
Offrandes
Pour celui qui repose au creux des souvenirs inventés,
une pelouse noire contre le mur chaud.
Pour lui dont on prononce le nom doucement avec des précautions obscures,
le chant de mille oiseaux dans les bambous fleuris.
Pour l’absent, des larmes comme une pluie d’étoiles déchues.
Pour l’autre, l’ange de la perte, irrémédiable et fondatrice, l’ombre d’un chien craintif.
Pour celui qui incarne le manque, le précaire, le fragile,
le bloc lourd d’un socle vide.
M.D, août 97