Louis veut en finir avec le classement des archives.
Ce matin il s’attaque à la dernière boîte, qui contient quatre classeurs :
1978 : rue des bons enfants / menu : museau vinaigrette
1982 : Léopold est embauché au garage Volkswagen
1991 : retour d’Helsinky
1994 : premier voyage / la maison carrée
Ce dernier paquet contient toutes les photographies réalisées par Maxime pendant l’automne 94. Ils vivaient tous au 493 à cette époque (la première) et l’atelier était très productif.
Maxime avait rencontré le cantonnier du cimetière lors d’une de ses dérives matinales et fasciné par sa maison, avait décidé d’en faire une série de clichés pour le livre que Denyse d’Artemes voulait publier pour l’exposition de Kutimô prévue l’année suivante.
La maison était compacte, blanche, adossée à un bosquet et posée sur une dalle sablonneuse. Seule une petite ouverture sur la façade donnait un peu de lumière. Il pensait que l’habitant y rangeait les outils nécessaires pour l’entretien des lieux. La porte était pleine et massive. Quand Maxime la passa pour la première fois, il fut surpris par l’ampleur des lieux . Il retourna à l’extérieur pour comparer ce qu’il voyait à l’extérieur et découvrait à l’intérieur.
Il repensa au livre de Danieleski dont le héros se trouvait dans la même situation et découvrait des pièces inconnues à chaque nouvelle visite de sa maison.
Maxime n’alla pas plus loin, le cantonnier l’en empêcha et l’entraîna vers le troquet du coin de la rue pour fêter leur rencontre.
Il vint le soir même nous raconter son aventure : il était un peu fatigué par les verres partagés avec le cantonnier qui avait une pratique de l’arrosage des rencontres plus assidue que la sienne.
Devant toutes ces images étalées au sol, Louis se souvint que cette aventure est racontée dans Climat tempéré, ouvrage publié par Yoshimazu Publishers, dans la collection Ciel noir. Maxime y mêle des textes, des photographies et des dessins évoquant la petite maison carrée sans fenêtres.
Une des photographies a compté beaucoup dans leur vie et Louis est certain que celle-là, il la conservera dans cette grande liquidation des traces. Pendant les quinze premières années du vingt-et-unième siècle, elle a servi de bannière à leur atelier.
Il range, déchire, jette, ferme les boîtes.
En retournant devant son écran, il constate que Maxime vient de lui adresser un mail pour lui dire qu’il passera ce soir. De lire le message de Maxime lui donne envie d’aller voir ce qu’est devenu ce lieu : quelques errances dans les sites spécialisés lui donne l’information. En constatant le nouvel état du lieu, il ne tarde pas à penser que le cantonnier du cimetière est mort et que personne ne se souvient de lui ni de cette maison qui nous a tant fait rêver.
Il court vers la corbeille et en hommage au cantonnier, de son sens de la rencontre et de sa bibliothèque secrète, sauve les images dont il comptait se débarasser.
Maxime siffle dans la rue, Louis descend, ils vont retrouver tous les autres chez Élie.
M.D, août 2011