Pourquoi ne dit-il jamais merci ?
Auparavant, Élie n’avait pas remarqué ce détail, mais maintenant cela lui est désagréable : il ne dit jamais merci, ni pardon, pas de je vous en prie, n’en faites rien…
Comment a-t-il pu le fréquenter si longtemps sans remarquer ce comportement grossier ?
Maintenant, Élie voit ce qu’il est. Il fait du bruit en mangeant ; à vos côtés, il occupe tout le trottoir et vous projette sur la chaussée. Il parle fort dans une chambre d’hôpital, fait des commentaires à haute voix dans les salles de théâtre.
Appuyé au mur qui fait l’angle de la rue du poirier et de la place des halles, Élie le regarde de loin et peut l’observer quelques instants car il ne l’a pas vu arriver.
Assis à la terrasse du Balto, il boit un demi.
Pourquoi Élie n’a-t-il jamais remarqué le regard fatigué et haineux qu’il porte sur toute chose ?
Il a l’impression pendant quelques secondes d’observer un inconnu, à propos de qui l’idée d’une amitié possible est inenvisageable.
Élie considère la place, la balaie des yeux. Il ne viendra plus ici.
Il rebrousse chemin, emportant avec lui la couleur des murs, le bruit des pas des chevaux sur le sol pavé, les fenêtres éclairées.
Encore une perte.
M.D, décembre 2011